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Haingotiana Rajemisa : « Notre risque de surendettement reste modéré »

Directeur de la Dette Publique (DDP), Haingotiana Rajemisa répond aux questions souvent posées par les citoyens sur l’endettement de Madagascar
Les malgaches ont une vision péjorative de l’endettement. S’endetter est-il incontournable pour un pays ?Comme tout acteur économique, l’Etat ou l’Administration Publique a des besoins à satisfaire. Les besoins de l’Etat ne sont entre autres que l’accomplissement de ses trois fonctions principales qui sont « l’allocation des ressources, la distribution et la régulation ». C’est dans l’exercice de ce trio que l’Etat s’engage par exemple à construire des infrastructures routières, hospitalières, à assurer les services d’Etat civil, etc. Pourtant, en réponse à ces besoins, l’Etat est souvent limité par son Budget. Ce dernier n’étant autre qu’un document relatant l’ensemble des prévisions de recettes et de dépenses de l’Administration Centrale pour une année fiscale. S’il y a plus de dépense que de recette, l’Etat se doit de combler le déficit. Pour Madagascar, le solde budgétaire est déficitaire : il y a ainsi un déficit budgétaire qui nécessite d’être comblé pour que le Budget soit équilibré. Sur les trois dernières années, le déficit budgétaire du pays en pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB) a été en moyenne de 3,4%. L’Etat a deux options pour combler ce déficit : soit augmenter ses recettes au risque d’appliquer une politique fiscale très contraignante qui peut aller à l’encontre de la croissance du secteur privé, soit baisser ses dépenses au risque de ne pas pouvoir accomplir ses fonctions citées plus haut. Une alternative à ces options est l’endettement. Lequel permet d’un côté de progresser vers une politique fiscale prudente, et d’un autre côté de financer des dépenses nécessaires au bon fonctionnement de l’Etat et à la croissance économique.
Quelles sont les finalités des emprunts ?L’Etat malgache fait appel à des emprunts intérieurs et extérieurs pour financer son déficit budgétaire. A ce jour, si les emprunts intérieurs sont le plus souvent contractés pour faire face aux besoins de trésorerie, les emprunts extérieurs sont quant à eux contractés pour financer des projets d’investissements et des programmes de réformes de l’Administration Publique.
Pouvez-vous-nous dire ce que représente la dette de Madagascar par rapport au PIB du pays ?A fin décembre 2016, la dette nominale de Madagascar par rapport au PIB est de 34,8%. Ce ratio représente le poids de la dette sur l’économie. Ceci n’est pas très élevé comparé à ceux de certains pays développés qui dépassent les 100%, ni par rapport à ceux des autres pays de l’Afrique Subsaharienne, où il va jusqu’à 50%. Il mesure également la capacité de remboursement de la dette ou la solvabilité de l’Etat. Pour le cas de Madagascar, dans le cadre de sa politique sur la fixation des limites d’endettement, le Fonds Monétaire International (FMI) nous laisse une certaine marge de manœuvre. En effet, cette institution ne nous impose pas le respect d’un plafond relatif au ratio Dette nominale par rapport au PIB.
Est-ce que le trésor public effectue des analyses de soutenabilité à long terme de notre dette publique?Le Trésor Public ne produit pas de rapport officiel sur l’Analyse de soutenabilité de la dette publique. C’est le FMI qui produit ce rapport. Toutefois, le Trésor public émet toujours son avis lorsque le Fonds effectue l’Analyse de Viabilité de la Dette (AVD) chaque année. Par ailleurs, la Direction de la Dette Publique (DDP) exploite l’outil AVD du FMI et effectue des analyses au niveau interne. En outre, elle assure le suivi et le respect des plafonds d’endettement convenus avec le FMI, afin de garantir le maintien de la soutenabilité à long-terme de la dette.
« Madagascar n’a enregistré aucun arriéré de paiement extérieur »
Qu’en est-il de la solvabilité de Madagascar ?Suivant les résultats de la dernière AVD de Juin 2017, le niveau de risque de surendettement de Madagascar demeure à un niveau modéré. Le pays reste toujours solvable. Toutefois, pour que cette solvabilité soit pérenne plusieurs conditions doivent être satisfaites. Il faut, par exemple, respecter la stratégie d’endettement (maximisation du recours aux emprunts concessionnels) et les plafonds d’endettement, du côté de la gestion de la dette. L’Etat doit aussi faire des efforts sur l’amélioration des recettes fiscales. Et enfin, l’Etat a l’obligation d’améliorer la gestion de ses passifs éventuels et des entreprises publiques. Quoi qu’il en soit, faut-il noter que Madagascar a toujours honoré ses engagements financiers vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. Il n’a enregistré aucun arriéré de paiement extérieur.
Comment se fait-il que le volume de la dette des pays développés soit largement supérieur au nôtre ?C’est seulement dû au fait que leurs capacités de remboursement soient plus élevées. Bien que le volume de leur dette soit énorme, ils ont la capacité financière suffisante pour le rembourser. C’est tout simplement une question de solvabilité financière.
Avec tous les montants alloués à notre pays depuis ces plusieurs années, comment se fait-il que Madagascar n’arrive pas à se développer ?Il est vrai qu’une gestion efficace de la dette est vitale pour pouvoir prétendre à une croissance économique sur le moyen terme, et à un développement économique sur le long terme. Toutefois, il serait erroné de penser qu’il s’agit de l’unique condition, nécessaire et suffisante, pour qu’il y ait effectivement développement.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets des apports positifs conséquents sur le développement des prêts que Madagascar a contractés dernièrement ?Prenons le cas du développement rural et de la sécurisation foncière qui concerne la grande majorité des malgaches. Nous pouvons entre autres citer (i) le Projet de réhabilitation du périmètre de Bas Mangoky, district de Morombe (PEPBM), région du Sud-Ouest, financé par la BAD à hauteur de 22 500 000 USD ; et (ii) le Projet d’Appui au Développement du Menabe et du Melaky (AD2M) financé par le FIDA à hauteur de 18 500 000 USD. Le premier a permis l’irrigation de 5.000 ha de rizière et l’amélioration des rendements de 3,5t/ha à 6t/ha et l’augmentation de production à 35.000 ha par an. Tandis que le second a permis la délivrance de 8.840 certificats fonciers (50% des objectifs) représentant 7.257 ha de superficie sécurisée, l’alphabétisation fonctionnelle de 10.040 personnes (82% des objectifs) dont 3.930 femmes, l’aménagement/réhabilitation de 5.588 ha de périmètre hydroagricole sur une prévision de 5.650 ha, la construction de 10 caisses CECAM dont 3 dans la région Melaky avec 3.450 adhérents avec plus de 7 milliards d’Ariary de crédits octroyés et un taux de remboursement de 96% en 90 jours et l’amélioration des rendements du riz irrigué de 1,9T/ha à 4,5t/ha et du haricot de 0,8 t/ha à 1,6 t/ha.
- - Un prêt est concessionnel : si l’élément-don est supérieur ou égal à 35%
- - Un prêt est semi-concessionnel : si l’élément-don est compris entre 20% et 35%
- - Un prêt est non concessionnel : si l’élément-don est inférieur à 20%

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Interview réalisé par SCRP
Paru dans les Echos des Finances et du Budget N°5
http://www.mefb.gov.mg/textes_lois/ECHOS/ECHOS-05.pdf
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