REPORTAGE

Le Sommet aura des retombées positives inestimables pour le pays

Le Sommet aura des retombées positives inestimables pour le pays Hugues Ratsiferana
President du Comité d’organisation du XVIe Sommet de la Francophonie

Pourquoi l’organisation du Sommet de la Francophonie est-elle si importante pour Madagascar ?

Madagascar était devenu en quelque sorte indésirable sur le plan international à cause des crises cycliques. Nous avons perdu la confiance des autres pays ainsi que des entités internationales ; ce qui nous a fait sortir du « concert des Nations ». Cette situation a aussi entraîné une déperdition de confiance à l’intérieur même du pays, ce qui est tout à fait normal. A cet effet, il est aujourd’hui très important de retrouver notre place sur le plan international et de ne plus nous enfermer. Ce sommet sera l’outil qui nous permettrait d’y arriver, étant donné que la langue française est utilisée par 274 millions de locuteurs dans 80 pays avec une population totale qui avoisine le 1 milliard. Au niveau économique, l’espace francophonie représente 20% des échanges mondiaux avec un volume total de 1600 milliards USD et un PNB de 7200 milliards USD. Une vingtaine de pays francophones font partie de ce qu’on qualifie de « puissants ou émergents» dont certains membres du G8 et du G20. Grâce au Sommet, 80 pays vont venir chez nous. Leur venue aura des résultats positifs inestimables pour le pays. La mise en place récente du Bureau Régional de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Antananarivo marque d’ailleurs un début de confiance. Ce bureau est très utile pour la préparation du Sommet, mais également pour l’accompagnement des deux années de la Présidence de Madagascar de la Francophonie à partir du mois de novembre 2016.

Pouvez-vous nous donner une idée des personnalités qui vont venir à Madagascar durant ce Sommet ?

Nous allons accueillir au moins 30 Chefs d’Etats issus des cinq continents dont le Roi du Maroc, Mohamed VI ; le Premier Ministre Canadien, Justin Trudeau ; le Président Français François Hollande ; le Premier Ministre Belge, Charles Michel. Pour l’Afrique, nous aurons entre autres le Président Sénégalais, Macky Sall et le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba et Le Président Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire. Et ils ne viendront pas seuls. Ils seront accompagnés par les forces vives de leur Nations, soit des décideurs politiques, des décideurs économiques et des hauts représentants de leur société civile.

A court et moyen termes, nous pouvons dire que l’accueil du Sommet de la Francophonie nous permettra de regagner la confiance des autres pays et de bénéficier d’une importante visibilité. Qu’en est-il du long terme ?

Quand on n’est plus seul, tout devient plus facile. Nous pourrons utiliser les outils communs c’est-à-dire les outils de l’OIF, qui sont d’ailleurs nombreux. A titre d’illustration, l’Union de la presse francophone (UPF), l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), la Fédération internationale des Experts comptables Francophones, l’Association internationale des Maires Francophones (AIMF), l’Association Parlementaire Francophone, et j’en passe. Cette année et en 2017, des hautes personnalités francophones seront dans nos murs. Ils se pencheront sur l’avenir des membres de la Francophonie. Et nous faisons tout pour prioriser Madagascar. Il est d’ailleurs attendu que Madagascar fasse l’objet de nombreux projets pilotes de cet espace francophone qui a adopté comme thème du sommet en octobre 2015, « Croissance partagée et développement responsable : les conditions de la stabilité du monde et de l’espace francophone ». Ce n’est un secret pour personne que l’instabilité est encore présente dans le pays. Sans stabilité, aucune projection économique n’est possible. La stabilité est donc très importante pour une structure, pour un homme, surtout pour un pays et même pour un groupe de pays. Pour Madagascar, nous sommes à la recherche de stabilité politique et l’OIF a les outils nécessaires qui vont nous aider à l’atteindre pour que la crise ne revienne plus. D’un autre côté, la stabilité politique dépend surtout de l’adhésion du pays et des forces vives de la Nation, à Madagascar ou ailleurs.

C’était un cadeau offert sur un plateau d’argent. Et le coût importe peu, le plus important c’est le résultat

En parlant de stabilité politique, des foyers de tension continuent à exister. Ne craignez vous pas que cela puisse porter atteinte à la bonne organisation du Sommet, voire entrainer son annulation ?

Il ne faut pas fuir, ni craindre les problèmes, mais les affronter. De toute manière, tout cela relève encore de la supposition. Néanmoins, là nous parlons de problèmes politiques, et justement il faut affronter les problèmes politiques par la politique. Le Sommet nous offrira des outils qui vont nous aider à résoudre notre problème politique. Depuis le 7 avril 2016, nous préparons « La déclaration d’Antananarivo » qui comporte actuellement 45 articles. Les résolutions qui vont être validées sont des outils politiques et de stabilité. Alors la vraie question est : avons-nous peur de stabiliser le pays ? Le fait de craindre les risques de trouble signifie que nous avons peur de stabiliser le pays.

La Loi de Finances prévoit 20 milliards MGA pour l’organisation du Sommet de la Francophonie, cette somme est-elle suffisante pour la préparation d’un évènement de cette envergure ?

Nous n’aurons jamais assez de budget pour les besoins du Sommet. Personnellement, j’estime que ce Sommet est une étape dans la transformation et la relance du pays. Bien évidemment, la préparation n’est pas gratuite. Mais l’accueil d’un sommet nécessite également d’importants lobbying. Tous les pays membres veulent l’accueillir. Ils se battent pour être le prochain hôte en 2018 alors que Madagascar n’a pas fait beaucoup d ‘effort pour y arriver. C’était un cadeau offert sur un plateau d’argent. Et le coût importe peu, le plus important c’est le résultat. Et ce Sommet va nous apporter quelque chose d’extraordinaire si nous savons l’exploiter.

En quoi consiste exactement la préparation du Sommet?

En tout, nous allons accueillir 3200 personnes dont 700 journalistes. C’est la première fois que nous recevrons autant de pays, la préparation est donc loin d’être moindre. Nous devons préparer le côté administratif, les invitations, les accréditations, l’hébergement et la restauration. Pour le transport, nous aurons besoin de 90 voitures VIP, 240 voitures légères et au minimum 80 bus. Nous devons revoir la sécurité étant donné la nécessité de sécuriser le Sommet, l’assistance protocolaire, l’assistance en liaison.

Est-ce que nous aurons assez d’infrastructures aux normes, en termes de qualité et quantité, pour accueillir tout ce monde ?

Nous préparons le Sommet d’une manière très professionnelle. Nous avons actuellement répertorié plus de 3300 chambres d’hôtel dans toute la capitale. Et selon les informations qui m’ont été communiquées par le Délégué général qui s’occupe de l’organisation proprement dite, environ 400 de ces chambres doivent être remis à niveau. Nous avons en fait le manuel de « prérequis technique et matériel pour l’organisation du Sommet », basé sur les expériences des 15 Sommets organisés. Ce manuel définit les exigences en termes de nombre et de qualité requis à tous les niveaux. Mais de toute manière nous allons recevoir le Sommet avec ce qu’on a et ce qu’on est, comme l’a indiqué le Président de la République malgache. Il ne faut pas s’inquiéter, nous sommes prêts. Nous n’avons pas rencontré de soucis majeurs au niveau de l’hébergement. De toute façon, c’est une occasion de réveiller les stocks dormants des patrimoines publics. Nous avons l’hôtel cinq étoiles qui est un investissement étatique, il est temps de l’utiliser d’autant plus qu’il compte en tout 230 chambres.

Il ne faut pas négliger ce que ce Sommet de la Francophonie nous apportera à nous mais également à nos enfants, au futur.»

Le Sommet va se dérouler où exactement ?

Le Sommet qui commencera le 22 novembre 2016 se tiendra au Centre de Conférence Internationale d’Ivato. Le Conseil permanent de la Francophonie se tiendra durant ce premier jour tandis que les 23 et 24 novembre, nous aurons la conférence ministérielle de la francophonie. Les Chefs d’Etats arriveront le 25 novembre. Et les 26-27 novembre se tiendra le sommet des Chefs d’Etats. Quant à la population, elle pourra profiter du Village de la Francophonie sis à Andohatapenaka qui servira pour sa part de vitrine de Madagascar et de vitrine du Sommet. Les manifestations culturelles, intellectuelles et économiques y sont prévues.

30 Chefs d’Etat et probablement 30 Jets privés. Qu’en est-il des infrastructures aéroportuaires ?

Nous nous préparons déjà à cette éventualité. C’est le gouvernement qui prend en charge la mise en place de ces infrastructures à travers la réalisation des projets gouvernementaux qui existent depuis longtemps. Soit le Gouvernement profite juste de la Francophonie pour mettre en oeuvre les plans de réhabilitation et les extensions. Des travaux qui constituent un investissement public et qui ne relèvent pas du ressort du comité d’organisation du Sommet. Pour l’aéroport d’Ivato, le Gouvernement a promis de mettre en place un tarmac pour recevoir environ 26 avions, gros porteurs et moyens courriers confondus. Et il y aura un terminal spécifique pour les délégations de ce Sommet qui servira par la suite aux passagers. Les parkings de voiture seront en outre étendus. S’ils arrivent à terminer les travaux à temps, ce sera très bien. Mais si ce n’est pas le cas, il y aura toujours d’autres possibilités comme l’utilisation d’autres aéroports. Ce qui sera, je l’avoue, assez contraignant pour les délégations qui vont venir, ne serait-ce qu’au niveau de la sécurité. Ce n’est pas très pratique et cela risque de dégrader un peu l’image du pays et de l’organisation.

Est-il possible de connaitre les dispositions de sécurité appliquées durant l’évènement ? Est-ce qu’il n’y aura que des forces de l’ordre locales ?

La provenance importe peu. Nous devons toujours voir l’objectif et la manière d’y parvenir. En tout cas, nous disposons des infrastructures nécessaires, ainsi que le capital humain. Nous avons déjà pris connaissance des risques, et les forces armées s’y penchent. Personnellement, j’ai déjà participé à des ateliers préparatifs et des formations adéquates par rapport à cela. Et effectivement, il y a des équipements à mettre en place pour la surveillance. Des coopérations bilatérales et multilatérales devront être effectuées avec des services de renseignement du monde entier, francophones ou non francophones. Et nous aurons au moins 5.000 femmes et hommes entrainés qui vont être disponibles, en plus de la sécurité privée au niveau des hôtels et des lieux d’hébergement ainsi que les sites de déplacement des hautes personnalités qui vont venir. Tout ça pour dire, rien ne sert de s’inquiéter. De toute façon, tous les endroits du monde sont exposés à la menace terroriste et à l’insécurité et tous ces Chefs d’Etats le savent. D’ailleurs, certains ont décidé de prolonger leur séjour, à savoir le Roi de Maroc et le Premier Ministre Canadien.

Est-ce qu’ils vont visiter d’autres sites qu’Antananarivo ?

Exactement. Et c’est un des avantages dans l’accueil de ce Sommet. Cette période offre une visibilité au pays sur le plan politique, économique, social et culturel. On doit pouvoir mettre en exergue les potentialités du pays. Nous avons l’habitude d’aller vers les autres pays, assister à différents salons touristiques et là c’est l’inverse qui va se passer. C’est une opportunité inespérée de mettre en relief tout ce qui se fait dans le pays. Non seulement au niveau des consommateurs mais également au niveau des investisseurs, des financiers. Il revient d’ailleurs au Conseil national d’orientation de s’assurer des retombées positives du Sommet que ce soit avant, pendant ou après. A part les visites touristiques et affaires, des assises et ateliers sont prévus se tenir dans d’autres sites. Antsirabe, va par exemple recevoir l’AUF et l’UPF et Antsiranana va accueillir l’AIMF.

Plus précisément, qui va bénéficier de ce Sommet ?

Tout le monde y trouvera son compte. Le Sommet nous permettra d’atteindre la stabilité politique qui va nous permettre une meilleure planification économique à croissance soutenue. Il y aura le déploiement des outils de l’OIF pour la croissance soutenue de l’Economie de Madagascar. Du point de vue social, il faut s’attendre à un effet domino de la relance économique et le déploiement des outils de l’OIF pour le renforcement des mesures sociales pour la population sur l’alimentation, l’emploi, l’éducation, la formation professionnelle, la santé et l’habitat. Des emplois seront aussi créés. Grâce à la confiance des organisateurs à notre capacité structurante, le Championnat du Monde de pétanque va avoir lieu du 8 au 11 décembre 2016 - là encore 1200 joueurs dont une centaine de journalistes professionnels vont séjourner dans le pays. Par ailleurs, nous aurons des séquences d’évènement sur l’ensemble du pays durant les années 2016 et 2017. Nous aurons les projecteurs braqués sur nous. Il ne faut donc pas négliger ce que ce Sommet nous apportera à nous et à nos enfants, au futur. Cela fait 50 ans que nous sommes dans ce cycle de problématiques, de crises infernales et là nous avons enfin un excellent moyen de nous en sortir. Ce Sommet marquera notre démarrage économique si nous le voulons bien.

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