REPORTAGE

« La Justice doit être restaurée »

« La Justice doit être restaurée »

Le 17 juillet est la journée mondiale de la Justice internationale. Magistrat honoraire qui a exercé plusieurs fonctions,Président du tribunal et Procureur de la République, ancien Secrétaire Général du ministère de la Justice et président de la Haute Cour Constitutionnelle, Honoré Rakotomanana, actuel Président du Sénat, nous éclaire sur la Cour pénale internationale et nous donne un aperçu de la justice à Madagascar

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la Cour pénale internationale ?

La Cour pénale internationale (CPI), cogitée pendant plusieurs années, a vu le jour le 17 juillet 1998 lorsque le traité du statut de Rome a été signé par les Etats. L’entrée en vigueur a eu lieu le 1er juillet 2002. Actuellement, cette Cour pénale internationale fonctionne comme pour les juridictions ad hoc. Il y a une sorte d’amalgame de système juridique dans la procédure c’est-à-dire dans le règlement de preuves et de procédures. Elle combine le système de common law et le système de civil law mais le système de common law prédomine. La CPI reflète le procès équitable qui est le principe de contradictoire: la personne accusée sait de quoi on l’inculpe et il faut qu’il y ait des débats contradictoires. C’est là également qu’on voit le système de contre interrogatoire qu’on ne voit pas en principe dans le système de civil law. C’est une avancée très appréciable cet amalgame de système juridique avec la prédominance de système de common law. Voilà brièvement ce qu'est la Cour pénale internationale.

Pouvez-vous nous expliquer la différence entre le common law et le civil law ?

Le common law s’agit d’un droit anglophone. Avant, les Britanniques n’avaient pas de codes. Les jugements se réfèrent à des cas similaires traités auparavant. Il a comme principe la règle du précédent. Tandis que le civil law est le droit européen comprenant surtout le droit français, l’allemand, le belge, l’italien. Le civil law dépend de la loi écrite.

La règle de procédure pénale est un amalgame de système juridique alors que l’uniformisation des systèmes juridiques est impossible.

Face aux séries noires des actes de terrorisme qui gagnent de l’ampleur à nos jours. La CPI aura-t-elle le dernier mot aux jugements de ces actes ?

La Cour pénale internationale n’a pas la compétence de juger les actes de terrorisme. C’est pour cette raison que chaque pays lutte contre le terrorisme selon l’application de sa loi. Cependant, un Etat peut demander une extradition c’est-à-dire qu’il a le pouvoir de livrer un terroriste pour être jugé dans un autre pays étranger. Les nations conjuguent leurs efforts pour combattre le terrorisme. Comme pour notre cas, nous avons déjà une loi contre le terrorisme depuis 2014 ou 2015. Cette loi se rapporte à l’application de la convention internationale spéciale.

Quelle est l’organisation qui nomme les membres de la CPI ?

C’est une élection par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce qu’il faut mentionner c’est que seuls les pays qui ont signé et ratifié le statut de Rome peuvent avoir comme composantes de la cour des juges. La juridiction internationale siège à La Haye. Les Etats cotisent pour faire fonctionner mais il y a le système de coopération avec d’autres Etats.

Dans ce cas la CPI fait-elle partie de l’Organisation des Nations Unies ?

Pas exactement, c’est la cour internationale de justice qui est prévue par la charte des Nations Unies alors que la Cour pénale internationale ne l’a pas été. Il n’empêche qu’elle a des liens très étroits avec les Nations Unies. Comme on constate il y a plusieurs modes de saisines de la CPI. D’abord saisine par les Etats disons des Etats victimes, saisine également par les dénonciations faites par les Présidents de la République qui récoltent des renseignements et qui demandent la validation de la chambre préliminaire du CPI pour que des investigations puissent avoir lieu de façon approfondie. La CPI peut faire de l’auto-saisine mais à mon avis ce ne serait pas sans incidence sur l’indépendance de la justice. Ce que le conseil de sécurité peut demander par exemple parlant d’un dossier que le procès n’ait pas eu lieu. Comme le conseil de sécurité veille à la paix dans le monde, évidemment si ce même conseil pense qu’il peut y avoir une réconciliation internationale. A ce moment là, il n’est pas dans l’intérêt de tout le monde que la justice continue son cour de condamner si le non jugement de ces personnes pourrait contribuer à la consultation de la paix.

D’après ce que vous venez d’expliquer, qu’en est-il pour les pays qui n’ont pas ratifié cette convention, ceux qui ne sont pas membres de la Cour pénale internationale ?

Pour les Etats qui n’ont pas ratifié le traité de Rome ou le statut de Rome, ils n’ont pas le droit de présenter des juges ou bien des personnalités pour composer la CPI.

Dans une situation où ces pays non membres présentent des cas de génocides dans leurs pays auprès de la Justice internationale, qu’est-ce qui va se passer ?

A ce moment-là, le conseil de sécurité y veillera et il peut y avoir éventuellement des saisines du conseil de sécurité et la saisine de la CPI.

Combien de jugements existe-il au sein de la Justice internationale ?

Concernant la Justice internationale, il faut distinguer entre justice internationale qui juge les individus et la Justice internationale qui juge les Etats. C’est la cour internationale de justice à La Haye qui règle les affaires d’Etats. D’ailleurs, cela a été créé même dans la Charte des Nations Unies qui a une charte spéciale. Mais pour la justice qui auditionne les individus, il y a une évolution au sein du tribunal militaire de Nuremberg et puis le tribunal militaire de Tokyo à l’exemple des affaires de Nazi. En réalité, il y avait les grands axes qui ont constitué le tribunal et ont statué plusieurs infractions entre autres les crimes de génocides et les crimes contre l’humanité.

Tandis que pour le cas de la CPI, sa primauté de compétence est en faveur de la juridiction nationale. C’est seulement en cas de défaillance de la juridiction nationale que la CPI pourrait juger des délinquants. Si on s’aperçoit également que la juridiction nationale applique mal les lois par une violation grave que cela soit des lois de fond ou des lois de formes. A ce moment là, le tribunal de la CPI pourrait demander à ce que les juges rejugent les délinquants.

Jusqu’à quelles compétences la CPI peut traiter ?

La CPI a la compétence pour traiter les articles 5, 6, 7, 8 du traité de Rome ou de statut de Rome, tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agressions. Voilà les quatre catégories de crime qui sont de compétence ratione materiae de la Cour pénale internationale.

On parle de l’impunité à Madagascar…

Nous luttons contre l’impunité actuellement. C’est la raison pour laquelle on a créé une loi qui est déjà promulguée, votée et publiée concernant ce qu’on appelle la chaîne spéciale pour lutter contre le trafic de bois précieux. Il y a aussi ce qu’on appelle un pôle anti-corruption qui va juger les auteurs de corruption ou des infractions assimilées. Dans ce cas, si ces juridictions fonctionnent normalement et si ces lois sont appliquées correctement, il n’y aura pas du tout d’impunité. Evidemment, il y a ce qu’on appelle les immunités parlementaires ou bien les pluri-juridictions. Mais si les charges sont suffisantes, on peut demander la levée de l’immunité parlementaire des députés et sénateurs concernant les pluri-juridictions.

C’est bien défini dans une loi organique le fonctionnement de la Haute Cour de Justice.

Avez-vous un message précis pour les lecteurs ?

Il faut un meilleur fonctionnement de la justice. La justice doit être restaurée parce que les magistrats sont réputés de corrompus. D’ailleurs ils sont classés parmi les premiers rangs des corps corrompus ce qui crée en quelques sortes des mécontentements au sein de la population. Le Ministère de la justice a promis de faire et de déployer des efforts pour éradiquer sinon pour diminuer la corruption. Des magistrats ont d’ailleurs été révoqués, suspendus certainement pour corruption ou violation de la déontologie.

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