REPORTAGE

Simonette RAVOLOLONARIMANGA : Adjointe du Chef de projet de l’éducation inclusive au sein de Handicap International (HI)

Simonette RAVOLOLONARIMANGA : Adjointe du Chef de projet de l’éducation inclusive au sein de Handicap International (HI)

« Les enfants en situation de handicap exclus du système éducatif malgache »

L’objectif de l’Education pour tous (EPT) n’est pas atteint. Cette conclusion a été tirée suite à une évaluation effectuée par le ministère de l’Education nationale (MEN) en 2009. Les enfants en situation d’handicap ont du mal à accéder à l’école et les enfants issus de familles vulnérables* en sont les premières victimes. Adjointe du Chef de projet de l’éducation inclusive au sein de Handicap International (HI), Simonette Ravololonarimanga, nous en parle davantage.

Parlez-nous des missions de Handicap International ?

Simonette RAVOLOLONARIMANGA : Handicap International (HI) est une association de solidarité internationale spécialisée dans le domaine du handicap. C’est une association non gouvernementale, non confessionnelle, sans affiliation politique et à but non lucratif. L’intervention dans tous les contextes aux côtés des personnes en situation de handicap, pour leur prêter assistance et les accompagner dans leur prise d’autonomie figure parmi les objectifs de l’association.

Sous quelles formes la discrimination subie par les enfants en situation de handicap se présente-t-elle dans le système éducatif malgache ?

Les enfants en situation de handicap sont exclus du système éducatif malgache c’est-à-dire que les méthodes d’enseignement, l’accessibilité à l’école, les matériels didactiques ne sont pas appropriés pour eux. Par ailleurs, les systèmes pédagogiques utilisés ne sont pas adaptés aux besoins de ces enfants. Face à cette situation, ces enfants abandonnent automatiquement ou se sentent exclus surtout dans les campagnes où il n’y a aucun centre spécialisé.

Dans la communauté, les parents ont honte de la déficience de leurs enfants. Ils n’osent pas envoyer leurs enfants à l’école parce que leurs progénitures sont discriminés et ils abandonnent automatique. Ces enfants n’ont rien à faire à l’école, personne ne s’occupe d’eux, personne ne les regarde. C’est à partir de cette situation que le MEN a décidé d’adopter l’éducation inclusive en partenariat avec l’UNICEF en 2009.

Quelles sont les actions menées par Handicap International (HI) pour lutter contre cette exclusion des enfants en situation de vulnérabilité dans la scolarisation à Madagascar ?

HI met en œuvre divers projets qui donnent des appuis aux enfants dont l’éducation inclusive en partenariat avec le MEN. Ce projet installé depuis l’année 2009 a pour but d’accroître l’accès des filles et garçons vulnérables à la scolarisation et de faire en sorte qu’ils terminent au moins l’école primaire. L’éducation inclusive amène la réussite des apprentissages.

En partenariat avec l’association Fanarenana, une visite médicale de tous les élèves des Ecoles Primaires Publiques (EPP) dans tout Madagascar sera effectuée périodiquement. Cet outil de diagnostic sera déposé auprès du MEN mais nous sommes en train de « tester » son efficacité. C’est-à-dire à partir de l’application de l’éducation inclusive, tous les élèves qui passent à des visites médicales seront tous aptes. Il n’y aura plus d'enfants aptes ou inaptes mais c’est à partir de ce moment de diagnostiquer les déficiences des autres enfants qui sont vulnérables. Déterminer quels genres d’accompagnements sont nécessaires pour que les enfants vulnérables puissent jouir de leurs droits à l’éducation.

Quelle différence y a-t-il entre l’insertion scolaire et l’inclusion scolaire ?

L’insertion scolaire consiste à faire une remise à niveau des enfants et les mettre en classe. Les enfants en situation d’handicap sont déjà insérés tels que les malentendants, les enfants en déficience mentale, sensorielle et visuelle. Ce sont les cas de discrimination et de négligences à leurs égards.

L’inclusion scolaire consiste à insérer à l’école tous les enfants en âge d’être éduquer. Dans ce cas, les écoles sont adaptées et on a la capacité d’accueillir les enfants en état de déficience. L’inclusion scolaire consiste donc à intégrer et à insérer les enfants en situation d’handicap au sein des autres enfants en bonne santé physique et mentale à l’école.

A noter que l’inclusion scolaire a été mise en place en 2009 au niveau du MEN. L’Unicef a financé l’éducation inclusive à Analanjirofo et Diana. Pour le cas de HI, nous avons déjà commencé en 2005 dans certaines régions de la Grande Ile telles qu’Itasy, Haute-Matsiatra

Où en est l’application de cette inclusion scolaire ?

En septembre 2014, seulement 47% de l’objectif de l’EPT est atteint, l’Unicef a donc fait appel à l’HI qui a alors pris les deux régions Diana et Analanjirofo. Actuellement, nous sommes en train de terminer le projet d’éducation inclusive de l’Unicef avec le MEN. Nous travaillons aussi en partenariat avec l’Agence Française du Développement (AFD) dans la continuité de ce projet dans ces deux régions qui sont en phase de démarrage.

Pourquoi employez-vous le terme « test » ?

Nous procédons toujours à des tests parce que l’objectif global de ce projet est d’accroitre l’accès à une éducation inclusive de qualité, à la réussite des apprentissages et aux maintiens à l’école des filles et des garçons vulnérables de 5 à 6 ans à Madagascar. Ce test nous permettra de disposer d’un modèle à appliquer au niveau national. Certes l’éducation inclusive s’inscrit déjà dans le programme du MEN mais il n’a pas encore d’expérience sur la pratique ni la manière de le mettre en oeuvre. Après les tests, les processus, les procédures à suivre, les dispositifs et les systèmes à l’éducation inclusive seront déposés auprès du MEN. Le phase test va durer trois ans et sera amélioré si c’est nécessaire. A partir de ce moment, les 22 régions vont appliquer l’éducation inclusive.

Qui sont les partenaires qui vous accompagnent dans la réalisation de ce projet ?

Nous avons comme partenaire technique interne la Coalition Nationale Malgache de l’Education Pour Tous (CONAMEPT), les Plates-formes pour les personnes en situation de handicap, la Fédération des aveugles de Madagascar et l’association Fanarenana.

L’association Fanarenana va nous aider à mettre en place une classe passerelle. Cette classe passerelle est un passage de tous les élèves qui ont une déficience visuelle et sensorielle.. La classe passerelle sera fondée au sein des EPP et servira à diagnostiquer l’état de déficience de l’enfant. Si l’enfant présente des cas de déficience non lourde, il sera placé au premier rang, dans le cas contraire il sera envoyé dans un centre spécialisé.

Pour le cas des enfants en déficience mentale, qu’en est-il de leur sort ?

Pour le cas de ces enfants, il y aura la classe intégrée. L’association Fanarenana diagnostique les élèves via son psychiatre et il lui revient également de s’occuper de l’intégration des élèves dans la classe intégrée. La classe intégrée va éduquer ces enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau des classes inclusives (les classes normales). Une formation pour les médecins servant à diagnostiquer l’état psychique des enfants sera également mise en place.

Quelles sont les activités déjà entamées dans la réalisation de l’éducation inclusive ?

Au niveau des écoles primaires publiques (EPP) sous la direction des CISCO et ZAP, des travaux multisectoriels ont été engagés avec le MEN. La première étape consiste à l’amendement du décret 2009-1147 parce que la base de l’éducation inclusive n’est pas intégrée dans le décret. Nous avons déterminé les bénéficiaires concernés par le programme, nous avons clarifié les méthodes d’approches nécessaires… nous avons déjà organisé trois (3) ateliers qui vont dans ce sens avec le ministère. Le décret est déjà entre les mains des juristes et va bientôt être remis au Conseil des Ministres et. L’étape suivante est le glossaire pour le ministère concernant l’éducation inclusive. On doit par exemple dire « un enfant en situation de handicap » et non pas « un enfant handicapé » … La troisième étape qui est en coopération avec le ministère est déjà en cours concerne la modalité d’examen pour les enfants en situation de handicap. Jusque-là nous ne travaillons qu’aux niveaux des primaires.

Comment trouvez-vous l’avenir des enfants en situation d’handicap en termes d’éducation à Madagascar ?

Avec ce projet nous espérons qu’en 2030 aucun enfant en situation de handicap ne sera plus victime d’exclusion. Toutes les écoles primaires à Madagascar pourront mettre en œuvre les procédures de l’éducation inclusive. Il y aura donc des classes intégrées dans toutes les écoles primaires publiques (EPP). Ainsi que des classes passerelles Toutes les classes ordinaires dans les EPP seront inclusives c’est-à-dire elles seront prêtes à accueillir des enfants en situation de handicap.

* On dit en situation de vulnérabilité tous les enfants qui ne peuvent pas participer à des activités sociales.

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