REPORTAGE

La mortalité maternelle et néonatale reste une préoccupation

La mortalité maternelle et néonatale reste une préoccupation

La situation à Madagascar est la suivante : les centres de soin ne sont accessibles qu'à une minorité de la population. Bien que la santé soit importante, les gens ne rejoignent les centres médicaux que dans de graves situations. Petit est le budget destiné aux soins, pour ne pas dire inexistant. Le site www.statistiques-mondiales.com rapporte que dans la Grande Île, la dépense annuelle de santé par habitant n’est que de 20 USD.

Un taux de mortalité mère-enfant préoccupant : trois sur dix jeunes mères succombent à l’accouchement ou durant leurs grossesses. D’après le Docteur Nivonirina Rajoelina Raveloaritrema, Point focal communication et communautaire à la Direction de la Santé Familiale (DSFa), en 2014, la DSFa a recensé 784 décès de mères sur 100.000 naissances. Cette même année, 9.071 décès sur 312.015 nouveau-nés ont également été recensés. Cette prévalence de mortalité néonatale classifie Madagascar au rang de 48ème sur 193 pays. Outre le recours des mères aux médecines traditionnelles, nombreux sont les facteurs qui entraînent ce fort taux de mortalité.

A rappeler que l’âge moyen des mères malgaches varie de 15 à 24 ans. La première cause indiquée est ainsi l’avortement. Interdit dans le pays, ce dernier est responsable de 60% des décès maternels. Ce phénomène est malheureusement courant chez les jeunes adolescentes de 15 à 19 ans qui veulent interrompre leurs grossesses, souvent pour des raisons scolaires. Le coût d’intervention va de 30.000 à 150.000 MGA. Toujours d’après le Docteur Nivonirina Rajoelina Raveloaritrema, 11.157 avortements ont été recensés en 2014, et ce, sans parler des interruptions effectuées clandestinement. L’éducation sexuelle des jeunes adolescentes est de mise.

D’autres causes fréquentes de décès maternels sont également l’hémorragie, et la non-assistance pendant la grossesse. La notion des « trois retards » ou fahatarana telo entre en jeu. Il y a en premier lieu le retard de la prise de décision de rejoindre les centres de santé, en second lieu, le retard de l’arrivée dans les centres de santé et enfin, le retard de la prise en main des femmes enceintes. Notons que quatre consultations prénatales (4 CPN) sont indispensables durant la grossesse afin d’éviter toute éventuelle complication. En 2014, la statistique nationale rapporte que seules 25.97% des femmes enceintes ont réalisé les quatre CPN.

Le CARMMA pour réduire la mortalité maternelle et néonatale

Face à la situation, le ministère malgache de la Santé publique et l’United Nations Fund for Population Activities (UNFPA) ont signé en 2014 la feuille de route de la Campagne d’Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle et néonatale en Afrique (CARMMA) pour la période 2015-2019. Pour sa mise en œuvre, la Grande Île a obtenu un financement de 325 000 USD. Ainsi, des agents communautaires de la santé payés par l’USAID travaillent en contact sur terrain avec les femmes pour les sensibiliser à rejoindre les centres de santé pour un suivi convenable de la grossesse et un accouchement par des personnes qualifiées. Ce projet devrait donc, à terme, permettre de réduire le taux de mortalité maternelle et néonatale qui est alarmant au niveau national.

L’objectif visé est de réduire en 2019 de moitié le taux de décès maternel: passer de 784 pour 100.000 naissances vivantes à 369 et de baisser de 30 à 21 la mortalité de nouveau-nés pour 1.000 naissances vivantes. Par ailleurs, le ministère de la Santé publique inscrit dans son Initiative à Résultats Rapides (RRI) la Couverture Sanitaire Universelle (CSU). Il s’agit de prendre en main les femmes enceintes et les nouveau-nés jusqu’à l’âge de cinq ans.

Rôle important des matrones

Même si actuellement, au niveau des centres médicaux publics, les CPN sont gratuites ainsi que l’accouchement*, seuls 32.08% des femmes rejoignent les centres de santé et sont assistées convenablement pendant leurs accouchements. Il ne faut ainsi pas ignorer le rôle des matrones ou reninjaza à Madagascar. Un accouchement sur deux se fait par ces « accoucheuses traditionnelles » et tout se déroule à domicile. Les localités les plus concernées sont Moramanga, Morondava, Mananjary et Manakara. Ainsi, pour éviter les risques de décès pendant ou après l’accouchement ou encore la maladie appelée « fistule obstétricale », le renforcement de capacités de ces matrones traditionnelles est nécessaire. Des formations de bases qui seront données par des personnes qualifiées.

Il faut cependant souligner que les matrones n’ont plus actuellement le droit de procéder à l’accouchement. Elles ont l’obligation de conduire les femmes qui sont sur le point d’accoucher auprès des maternités. Néanmoins, seules les matrones qui résident à plus de 10 km des centres de santé sont autorisées à mettre au monde les nouveau-nés étant donné le nombre insuffisant de personnes qualifiées pour la santé à Madagascar : 0.2 médecins pour 1 000 habitants (données de 2010). C’est pour cette raison que Dolorès Pourette, anthropologue à l’Institut de Recherche en Développement (IRD) encourage la reconnaissance professionnelle des matrones par une formation médicale acquise auprès des organismes de santé publique.

* Au niveau des centres de santé publics, les CPN sont gratuites ainsi que l’accouchement (à part les médicaments). Néanmoins, une somme modique de participation appelée FANOME (Fandraisana Anjara No mba Omeko) est versée pour chaque consultation. Dans les centres de santé privés, le coût est très varié allant de 4.000 MGA à 15.000 MGA par CPN.

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