REPORTAGE
Khat : une vraie menace pour la jeunesse

Ambanja ! Une très charmante ville du Nord de la Grande-Île, très jeune et moderne et en même temps ville des jeunes. Comme disent les gens du Nord du pays, c’est une ville « pleine d’ambiance ». En effet, la ville bouillonne littéralement. La chaleur y est pour quelque chose, certes, mais c’est avant tout une ville très animée. Une ville très riche aussi avec ses plantations de café à perte de vue, des champs de cacaoyers dont les cabosses commencent à murir, ou encore la vanille.
Ambilobe n’est pas en reste. Une ville où tout le Nord de Madagascar semble se donner rendez-vous. Une ville très moderne comme sa sœur Ambanja et qui est marquée par des nouvelles constructions qui sortent de terre à un rythme effréné.
Les deux villes, outre l’éternel délestage de l’électricité, ont en commun le fait que l’eau courante est pour ainsi dire inexistante. Presque tous les foyers sont abonnés à la compagnie de distribution d’eau et d’électricité – JIRAMA – mais personne ne semble avoir accès à l’eau. Pas même une goutte. Des habitants de ces deux villes, interrogés, racontent que l’électricité est fonctionnelle seulement une heure par jour. Quant à la coupure d’eau, c’est devenue le quotidien de ces villes. L’eau de la JIRAMA est absente durant des mois et seule l’eau des puits aident les habitants à tenir. Un retour en arrière, somme toute !
Le khatUn phénomène assez inquiétant mine la jeunesse de cette partie nord de l’île : la mastication et la consommation du khat (Catha edulis). Cette plante de la famille des Célastracées dont les feuilles sont longuement mâchées entraine un effet stimulant et euphorisant.
La botte coûte cher, elle varie entre 3 000 à 4 000 MGA au minimum. Ceux qui mastiquent le khat sont perçus comme ayant des moyens financiers, donc comme des personnes qui méritent le respect car ils parviennent à subvenir à leurs besoins tout en satisfaisant à leurs plaisirs.
D’après un spécialiste, l'effet est proche de celui des amphétamines. Il permet de soulager la fatigue et la faim mais le khat induit une accélération du rythme cardiaque, de l'hypertension, une accélération de la respiration, de l'hyperthermie et une mydriase. Et son usage régulier entraîne des risques d'accoutumance — voire une toxicomanie —, une tolérance croisée avec les amphétamines et peut provoquer une dénutrition. À long terme, des modifications de l'humeur, des délires, des troubles du sommeil, des troubles de l'appareil digestif et troubles sexuels voire des syndromes coronariens aigus peuvent être rencontrés.
Il n’est pas rare de croiser des jeunes hommes à pied ou à vélo avec des bouquets de khat à la main après s’être approvisionnés au marché de la ville. A Ambanja comme à Ambilobe ! D’autres ont l’une des deux joues (gauche ou droite) bien joufflue et gonflée par l’accumulation des feuilles de khat mâchées à longueur de journée. C’est à peine si l’on peut comprendre ce qu’ils essaient de dire, tellement leurs bouches sont pleines rendant l’articulation des mots difficile, voire impossible.
Le phénomène est d’une telle ampleur qu’il est difficile de donner un chiffre exact des jeunes touchés par la consommation de cette plante qualifiée par certains de « drogue douce ». Une appellation bien trompeuse car les effets sur la santé sont loin d’être négligeables autant que la dépendance psychique se traduisant par « une pulsion puissante à se procurer par n’importe quel moyen la ration journalière de khat, à répéter ou à prolonger les périodes de mastication souvent au détriment des besoins vitaux, telle la nourriture ». Selon une source proche du service de psychiatrie au CHU d’Antsiranana, près de 40% des troubles psychiques traités au sein de ce service ont pour cause la consommation de substances psycho-actives (cannabis et khat).
A noter que le khat figure, depuis 2003, sur la liste des stupéfiants d’origine naturelle, mais aucune loi ni mesure de contrôle n’a été stipulée par le Plan Directeur de Lutte contre la Drogue. Un projet d’arrêté de la Commission Interministérielle de coordination de la lutte contre la drogue sur le khat a pourtant été rédigé en 2005, mais aucune ratification jusqu’ici.
Rappelons que la consommation de khat est interdite dans plusieurs pays du monde puisque le khat y est considéré comme de la drogue.
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Yvon José R.
18/03/2015 16:02
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